INTERVIEW AU PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

1- Monsieur le Premier ministre, voilà un peu plus de cent (100) jours que vous êtes à la tête du Gouvernement de la République. Quel est votre état d'esprit depuis que vous conduisez l'action gouvernementale ?

Conduire l’action gouvernementale est une immense responsabilité. Elle exige de celui qui l’assume sérénité, courage et détermination. Quelles que soient les difficultés, il faut convaincre et surtout rassurer. C’est mon état d’esprit. Ce d’autant plus que le Gouvernement bénéficie du précieux soutien du Président de la République. Durant cette période des 100 jours, le Gouvernement a fait montre d’une grande capacité collective à relever les défis majeurs et à s’investir pleinement dans sa tâche. Les Ministres ont eu à cœur de préserver la solidarité gouvernementale. Je m’en félicite. C’est à ce prix-là que l’action du Gouvernement sera couronnée de succès. Cette sérénité devra toujours les habiter pour la suite ; il n’y a d’ailleurs pas de raison qu’il en soit autrement. Car ce sont des hommes et des femmes dévoués à servir l’Etat et animés d’un sens élevé des responsabilités.

2- Comment avez-vous vécu, le principal rendez-vous constitutionnel de tout Premier ministre : le passage devant l'Assemblée nationale dans le cadre de la Déclaration de Politique générale ?

La Déclaration de Politique générale devant l’Assemblée Nationale est une obligation constitutionnelle à laquelle je m’étais soumis sans appréhension particulière. Je n’avais pas à élaborer un nouveau programme politique, puisque le Chef de l’Etat en disposait déjà depuis son premier septennat : le PSGE. Celui-ci était déjà en cours d’exécution avec, d’ailleurs, un bilan positif à maints égards. Il me fallait juste proposer un plan d’accélération de son exécution, bien sûr en tenant compte de la conjoncture politique, économique et sociale. Les orientations du Chef de l’Etat m’ont grandement servi dans cette tâche. L’exercice consistait aussi à recueillir les avis, critiques et suggestions et, obtenir in fine la confiance des Députés. J’en ai tiré nombre d’enseignements majeurs. J’ai notamment apprécié la détermination avec laquelle les Députés travaillent à traduire politiquement les préoccupations fondamentales de nos compatriotes. J’ai aussi apprécié le soutien qu’une large majorité d’entre eux manifestent à l’endroit de la politique du Président de la République.

3- Quelques jours seulement après votre nomination, vous avez décliné un Programme d'actions prioritaires pour les cent premiers jours du Gouvernement, une grande première dans l'histoire politique de notre pays. Quelles ont été vos motivations ? Quel est réellement le but visé par cette initiative à laquelle vous n'étiez nullement astreint ? D'aucuns ont même parlé d'une opération de communication...

En le faisant, il n’y avait pas dans mon esprit une quelconque volonté de me singulariser ou d’innover. J’étais plutôt soucieux d’être en résonnance parfaite avec le Chef de l’Etat qui nous a toujours demandé, même dans nos fonctions précédentes, de « dire clairement ce que l’on fait et de faire impérativement ce que l’on dit ». Par ailleurs, nous sortions d’une longue période où la politique avait pris le dessus sur toute autre activité de l’Etat, avec les conséquences que vous connaissez sur les plans économique et social. Il fallait d’emblée remettre le Gouvernement au travail, le soumettre à une double exigence : une exigence d’action et une exigence de transparence. Dans ce contexte, laisser le Gouvernement régler les urgences quotidiennes sans plan d’action s’avérait insuffisant. Il fallait lui fixer des objectifs en termes de mesures, avec pour lui l’obligation de rendre compte non seulement au Chef de l’Etat, mais aussi au peuple. Telles étaient nos motivations réelles.
C’est dans cet esprit que le Gouvernement, mis en place il y a un peu plus de trois mois, est astreint à l’obligation de vérité et de reddition des comptes. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrions mériter la confiance de nos compatriotes.
Qu’il y ait eu accessoirement l’expression d’une volonté de communiquer sur l’action qui est menée, je serai tenté de répondre que c’est dans l’ordre naturel des choses. Aujourd’hui, face à l’exigence de transparence qu’impose la démocratie, le Gouvernement se doit d’expliquer en des « termes accessibles et acceptables par le maximum des citoyens, les questions à traiter ou la nature de décisions prises ».

4- Quel bilan, de manière générale, faites-vous de l'exécution de ce Programme ? En êtes-vous satisfait ? C'est ici l'occasion de dégager, si possible, les principaux points positifs. Et sans doute aussi des regrets.

Comme vous le savez, le Gouvernement avait arrêté 172 mesures urgentes à engager dans les trois mois pour faire face aux difficultés des situations politique, économique et social.C’était peut être ambitieux, mais ne dit-on pas qu’il faut de l’ambition pour réaliser de grandes choses !

Comme je l’ai dit à l’occasion de la présentation au Chef de l’Etat du rapport y relatif, il résulte qu’à ce jour, 36 actions ont été réalisées intégralement. Elles concernent essentiellement les domaines des Infrastructures, de la Diplomatie, l’Economie, l’Eau et Energie, du Dialogue Politique, du Travail, de la Promotion des investissements, du Budget et du Sport.120 actions sont en cours de réalisation, dont certaines en phase terminale, notamment dans les domaines de l’Habitat, de la Prévoyance Sociale, de l’Economie numérique, de la Communication, de la Culture, de l’Economie forestière, de la Santé, de l’Egalité des chances, de l’Agriculture, des PME, de la Fonction publique, etc.

Par contre, malgré notre bonne volonté, 16 mesures n’ont pu connaître un début d’exécution. Comme je l’ai déjà expliqué, cette situation se justifie, dans certains cas, par l’inertie de certaines structures administratives, mais surtout par l’indisponibilité des ressources budgétaires. Dieu seul sait quels sont les efforts déployés par les membres du Gouvernement concernés pour les obtenir, aussi bien dans le cadre du budget de l’Etat, que des financements alternatifs.

A la question de savoir si je suis satisfait, vous comprendrez que je ne puisse pas vous répondre puisque je ne peux pas être moi-même juge de l’action que je dirige. Il revient à d’autres de l’apprécier.

Je voudrais tout de même préciser qu’on ne juge pas la mise en œuvre d’un programme des 100 jours de la même manière que l’on jugerait le bilan d’un programme de politique générale pour lequel la confiance de l’Assemblée Nationale a été sollicitée. En 100 jours, ce qui compte davantage c’est la mise en place des réformes, la définition des politiques publiques, la prise des décisions, le lancement des chantiers structurants. Ce qui compte surtout, c’est la mobilisation du Gouvernement, son engagement effectif à s’atteler à la résolution des problèmes des Gabonais. Sur ce plan, je ne peux m’empêcher de féliciter les membres du Gouvernement pour leur abnégation au travail en dépit de la conjoncture extrêmement difficile dans laquelle ils ont pris leurs fonctions.

Sur le contenu, au regard de la détresse dans laquelle se trouve encore certains de nos compatriotes, du chômage qui étreint nos jeunes, des difficultés d’accès aux services publics de santé, de l’école, de la justice, je ne peux me satisfaire pleinement des résultats obtenus. C’est pourquoi, comme l’a dit le Chef de l’Etat lui-même, il nous faut aller plus loin ; il nous faut continuer le travail pour atteindre les objectifs définis dans cette feuille de route, et surtout accélérer la mise en œuvre globale du PSGE .

 

5- Quels enseignements tirez-vous à ce niveau, surtout par rapport à la manière dont vous entendez poursuivre l'action gouvernementale ?

S’il est un enseignement à tirer c’est bien le fait que l’exercice aura permis de réaliser combien il apparaît utile au Gouvernement de faire périodiquement le point sur son action. Cela permet d’en apprécier les acquis, d’identifier et comprendre les principales contraintes et d’envisager les ajustements nécessaires à faire. Il ne faut pas le redouter, même s’il peut y avoir par la suite un emballement de la presse. L’exercice d’autocritique est nécessaire pour un meilleur cadrage de l’action du Gouvernement.

6- Monsieur le Premier ministre, parmi les points inscrits dans votre Programme des cent premiers jours du mandat du Chef de l'Etat, il y a la préparation du Dialogue national inclusif et sans tabou prôné par le président Ali Bongo Ondimba. Des assises prévues pour le mois de février après la Can. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?

Nous entamons la dernière étape de la phase préparatoire de ce dialogue politique attendu en effet par toute la nation.Cette étape concerne la mise en place et le lancement des travaux du Comité ad hoc paritaire souhaité par tous les acteurs politiques.Ce Comité a vocation, entre autres, à déterminer les modalités pratiques de la tenue du Dialogue politique.

Avant cette étape, deux mois durant, sur instructions du Président de la République, Chef de l’Etat, nous avons procédé à des consultations à la fois officielles et officieuses en vue de recueillir les attentes des acteurs politiques de la Majorité, comme de l’Opposition.A ce propos nous avons consulté un peu plus d’une cinquantaine de Partis ou regroupements de partis politiques.Nous avons aussi rencontré des personnalités politiques, des leaders d’opinion…bref tous les compatriotes ayant manifesté la volonté de proposer des choses dans l’optique de ce Dialogue.La synthèse de tous ces apports sera versée sur la table des travaux du Comité ad hoc paritaire.

7- Que pensez-vous des préalables posés par certains partis politiques, telle que Démocratie nouvelle (DN) de René Ndemezo'o Obiang, ayant souscrit à l'invitation du Pouvoir ? Le gouvernement est-il prêt à autoriser une enquête indépendante sur les violences post-électorales et à placer ce dialogue sous l'égide de la Communauté internationale ?

Comme vous le savez, Démocratie Nouvelle a clairement manifesté sa volonté de participer au Dialogue politique, ses dirigeants considérant, à juste titre, que cette voie était la seule susceptible de mener à l’apaisement, puis à la réforme des institutions tant souhaitée par l’ensemble de la classe politique.De ce point de vue, ce parti politique, ainsi que plusieurs autres l’ayant rejoint dans le cadre d’un regroupement de partis de l’Opposition, s’inscrit donc dans une dynamique d’ouverture.

Dès lors, il est moins question de poser des préalables que de rechercher ensemble en amont, les voies et moyens pour décrisper davantage le climat politique et social, par la prise d’un certain nombre d’initiatives fortes, consensuelles.Les propositions de Démocratie Nouvelle comme celles des autres partis politiques, y compris ceux de la Majorité, s’inscrivent dans cette philosophie que nous partageons au niveau du Gouvernement.

A propos des violences post-électorales, le Gouvernement a décidé de mettre en place un Comité interministériel chargé d’évaluer les dommages et fixer les modalités d’indemnisation des victimes. Certains responsables politiques souhaitent l’élargissement de cette Commission aux membres des partis politiques. Nous aurons à nous prononcer sur cette suggestion.Sur les enquêtes à mener, il reviendra à la justice d’établir en toute indépendance les responsabilités de ceux qui auront contrevenu à la loi. S’agissant de la communauté internationale, elle aura probablement un rôle qu’il reste à déterminer. Mais je tiens à préciser que le Dialogue politique est avant tout une affaire des Gabonais.


8- Jusqu'à présent l'opposition radicale incarnée par Jean Ping décline l'invitation du pouvoir à prendre part à ce Dialogue. Pensez-vous que ces assises peuvent ramener la sérénité sans la participation de cette frange de la classe politique ? Avez-vous entrepris des démarches dans le sens de convaincre les acteurs politiques de ce camp quant à la nécessité de cette réflexion ?

L’appel au dialogue lancé par le Président de la République, Chef de l’Etat, n’est pas circonscrit à un camp politique. L’objectif ici est d’organiser un dialogue politique inclusif.Pour l’avoir bien compris, des compatriotes, ayant pris une part active aux dernières élections dans les rangs de l’Opposition, ont fait le choix réaliste de se joindre à cette initiative. La porte reste largement ouverte à tous les autres. Vous imaginez bien que des contacts sont en cours avec tous les autres qui hésitent encore. C’est le lieu de rappeler que, dans la contexte actuel, il n’y a pas d’alternative au dialogue.


9- Les cent premiers jours du nouveau mandat du Chef de l'Etat ont été aussi marqués par des grèves dans différents secteurs d'activité et pas des moindres (Education, Justice, Pétrole, etc.). N'est-ce pas là tout de même une sorte d'échec de la part du Gouvernement ?

Le climat social est alourdi par des grèves récurrentes dans certains secteurs de l’administration que vous venez d’ailleurs de citer, Education, Enseignement supérieur, Justice…Le Gouvernement admet le bien fondé de certaines revendications. C’est pourquoi, il a fait le choix d’entretenir un dialogue permanent avec les partenaires sociaux en vue d’apporter les réponses appropriées aux problèmes posés.Je constate néanmoins, pour le déplorer, que malgré des efforts consentis pour y parvenir, certains responsables syndicaux jouent la carte du pourrissement, au besoin en marge des obligations légales et réglementaires. Or la grève doit obéir à certaines conditions légales et règlementaires, notamment celles d’assurer la continuité du service.Par ailleurs, il importe de rappeler qu’aux termes de la loi, les jours de grève ne sont pas rémunérés. Les ministres concernés ont été instruits, non seulement d’intensifier les négociations avec les partenaires sociaux, mais aussi de faire respecter la loi dans toute sa rigueur.

Les grèves que nous enregistrons dans le secteur pétrolier sont davantage dues à la crise que connaît ce secteur dans le monde entier. Elles ne sauraient donc être présentées comme résultant de la politique de mon Gouvernement qui, d’ailleurs, s’est toujours employé à trouver des voies de sortie durable en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

10- Aujourd'hui des inquiétudes se manifestent quant à la crédibilité du système éducatif gabonais au regard de ces mouvements de grève enregistrés aussi bien dans l'éducation qu'au niveau de l'Enseignement supérieur. Qu'entend faire le Gouvernement pour ramener la sérénité dans ces secteurs et rassurer aussi bien les apprenants que leurs parents ?

Il est vrai que notre système éducatif fait face à des problèmes conjoncturels et structurels susceptibles d’affecter sa crédibilité.Pour y remédier, bien sûr tout en gérant les urgences du moment qui nécessitent un véritable plan d’action, le Gouvernement a prévu d’engager d’importantes réformes.

Pour ce qui concerne l’Education nationale, s’agissant du renforcement des équipements de base et des capacités d’accueil aujourd’hui déficitaires, un programme national de livraison de tables-bancs est en cours d’exécution en partenariat avec Olam, et il sera mis en œuvre à partir de cette année, un plan triennal de construction de nouvelles écoles financé à la fois par l’AFD et par le budget de l’Etat. Ce Plan couvrira à terme l’ensemble des besoins du pays.

Plus globalement, il est prévu un plan d’urgence pour réformer les secteurs de l’Education et de l’Enseignement professionnel. Les objectifs visés touchent à l’élaboration d’une carte scolaire dynamique, la valorisation du métier d’enseignant ou de formateur, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, la résorption du déficit en personnels enseignants, et la réduction significative des effectifs par classe. Le Ministre a été instruit de discuter de ce plan avec les partenaire sociaux afin de l’enrichir de leur apport.

S’agissant de l’Enseignement supérieur, il y a là aussi des urgences dont la résolution impactera l’année académique en cours. Le Ministre de l’Enseignement Supérieur et le Ministre du Budget s’y attèlent. Le contexte est difficile, ne l’oublions pas. La bonne compréhension des partenaires sociaux est indispensable. Pour l’avenir, il y a lieu de repenser l’université gabonaise ainsi que le rôle de l’enseignant du supérieur.

11- Depuis le Sommet des chefs d'Etat de la CEMAC à Yaoundé (Cameroun), les Gabonais redoutent les effets néfastes d'un éventuel Programme d'Ajustement structurel avec le FMI, même si le Gouvernement préfère parler de Plan de redressement économique. Certains prédisent même une baisse des salaires. Dans tous les cas, une politique d'austérité. Qu'en est-il exactement ? Quels sacrifices les Gabonais seront-ils appelés à consentir et pour quelles mesures d'accompagnement ?

Le Plan de Relance Economique annoncé dans le prolongement des mesures prioritaires des 100 jours du Gouvernement n’est pas un Programme d’ajustement structurel déguisé du FMI. Elaboré pour trois ans (2017-2019), ce Plan vise à poursuivre les efforts de transformation de notre économie, notamment par la diversification de notre production de base et, plus spécifiquement, le développement des activités dans les zones économiques spéciales.Il nous faut remettre le pays sur une route économique solide, prospère et retrouver les taux de croissance du début du premier septennat du Président Ali Bongo Ondimba, ce d’autant plus que nos perspectives restent favorables. Cependant, il est clair que, malgré nos efforts tendant à accroître le rendement de nos recettes fiscales et douanières, les ressources propres de l’Etat ne suffiront pas à couvrir les besoins de financement de notre Plan de relance, d’où le recours aux partenaires multilatéraux, dont le FMI, pour obtenir des financements additionnels.

Les négociations que nous comptons engager prochainement avec le FMI, une fois le Plan finalisé, s’inscrivent dans ce contexte.

Les efforts de restructuration déployés nécessiteront un réajustement des dépenses de fonctionnement de l’Etat pour favoriser le développement des projets structurants.L’objectif de maîtriser la masse salariale n’impliquera pas la réduction des salaires. Je l’ai déjà dit par ailleurs. Il s’agira plutôt d’assainir le fichier solde pour corriger les situations des double soldes, des salaires indus, identifier les situations d’extinction des postes, lier les recrutements dans la Fonction Publique aux besoins réels de l’administration, etc.Nous veillerons par ailleurs à sanctuariser les dépenses de santé et de sécurité sociale afin de préserver les filets sociaux existants.

12- Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons pas conclure cet entretien sans aborder la sorte d'opération mains propres lancée récemment dans notre pays. Laquelle a conduit de hautes personnalités en prison y compris deux anciens membres du Gouvernement, Magloire Ngambia et Etienne Dieudonné Ngoubou. Votre commentaire ?

Il y a une opération lancée dans le cadre de la lutte contre la grande corruption : c’est « l’Opération mamba ». Le Gouvernement en assume la responsabilité politique. Mais je ne commenterai pas les procédures en cours. La seule chose que je puis dire, c’est la nécessité de respecter les principes de base, à savoir la présomption d’innocence, le secret de l’instruction et la juridiction compétente.

13- Nombreux estiment qu'il s'agit-là, ni plus ni moins, des règlements des comptes dans la galaxie présidentielle. Tout simplement parce que, selon eux, d'autres indélicats, et pas des moindres, ne semblent pas inquiétés à ce jour et circulent librement. Ceux-là ont-ils tort de voir les choses sous cet angle ?

Je voudrais vous rappeler que la démocratie ne s’accommode pas de la justice populaire. Permettez alors que je m’en tienne au respect des principes que je viens d’énoncer plus haut. Il existe dans notre pays, qui est un Etat de droit, des services compétents pour diligenter des enquêtes et pour rendre la justice. Laissons les faire librement leur travail à l’abri du tumulte médiatique.

14- La crise au niveau de la Poste a également suscité des poursuites judiciaires. Certains cadres sont aujourd'hui en prison. On a même entendu parler d'un mandat d'arrêt international à l'encontre de l'ancien président de la boîte. Qu'en est-il exactement ? Ne craignez-vous pas un déballage public ?

Conformément aux principes énoncés plus haut, je n’évoquerai pas les aspects judiciaires de ce dossier. Il reste néanmoins posée la question de la gestion de cette structure. Le diagnostic donne à constater de graves erreurs de gestion, préjudiciables aussi bien aux usagers, aux actionnaires et aux épargnants.Je pense en particulier aux petits épargnants dont les avoirs ont été évanouis dans la nature, les mettant en conséquence dans une situation de précarité insoutenable.Comment comprendre que le produit des mandats n’ait pas été reversé aux entités postales et correspondants étrangers ? C’est l’Etat et donc les contribuables qui vont devoir rembourser. Comment comprendre que le patrimoine de la Poste ait été vendu à des tiers sans l’accord des instances appropriées ? La liste des erreurs et des dysfonctionnements est longue.L’Etat, faut-il le rappeler, s’attèle à accompagner le redressement de la situation.

 

15- Monsieur le Premier ministre, une question un peu plus personnelle. On sait que toutes ces affaires sont parties d'une interview accordée à notre Rédaction par un proche collaborateur du président de la République, Hervé Patrick OMPIANGAH, pour ne pas le citer. Selon lui, les enquêtes devraient aussi impliquer les anciens ministres du Budget. Vous en êtes un. Quel est votre état d'esprit ?

Non, l’interview accordée par le Président de l’UDIS n’est pas à l’origine de « l’Opération mamba » en cours. Il vous souviendra que, durant la campagne présidentielle, le Chef de l’Etat s’était engagé à mettre fin à l’impunité. Moi-même, dans ma Déclaration de Politique Générale, j’avais inscrit la lutte contre la corruption au cœur de l’action gouvernementale, objectif que j’ai réitéré en des termes clairs lors des vœux du Gouvernement au Président de la République.

Le Président de l’UDIS s’est exprimé clairement sur le sujet en soutien à l’action du Président de la République et du Gouvernement. Je le félicite pour son courage et son engagement.Je ne sais s’il a dit que les enquêtes devraient aussi impliquer les anciens ministres du Budget, mais une chose est sûre, c’est que celles-ci s’intéressent à tous ceux qui, au quotidien, posent des actes de gestion et dont l’action et le train de vie présentent manifestement des indices de prévarication.

Pour ce qui me concerne, j’ai été ministre du Budget de janvier 2011 à février 2012. A ce titre, il m’est arrivé de signer nombre de décisions de règlement, des conventions de marchés publics et des conventions de financement. C’est dans l’ordre des choses. Je suis serein et donc fort aise de porter à la tête du Gouvernement la lutte contre la grande corruption. Notre pays a besoin d’assainir son image, nous avons besoin d’améliorer notre environnement des affaires. C’est à ce prix-là que le programme de développement pour lequel le Président de la République a été élu portera pleinement ses fruits.

16- Il vous revient de conclure cet entretien.

Je voudrais vous remercier de m’avoir donné l’occasion d’expliquer à vos lecteurs le sens de l’action menée à la tête du Gouvernement depuis plus de trois mois. A cette fonction, je mesure davantage la complexité des problèmes, mais aussi les opportunités et les atouts dont dispose notre pays pour les surmonter. Le premier de ces atouts, c’est l’homme ; les ressources humaines. Notre pays dispose d’hommes et de femmes de grande qualité, qu’il s’agisse du secteur public ou privé. C’est pourquoi j’invite toutes les bonnes volontés à contribuer à l’accélération du développement de notre pays dans les respects des différences. Le Gabon compte sur tous ces fils.